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Inde Foutu le contact avec la surface que je voulais conserver, la continuité
du voyage, les changements culturels progressifs, je suis plongé directement
dans un monde ou l’extrême pauvreté jure avec les émirats que je quitte. Je
redoute ma sortie de l’aéroport où, m’a-t-on dit, je serai assailli par une
horde de conducteurs de taxis et rickshaws ces tricycles à moteur ou à pédales.
Rien de cela, je sors de l’aéroport sans bousculade, sans cri ni heurt,
je trouve aisément un bus pour 5 roupies dans le calme et la sérénité. « Et
bien ! Ce n’est pas si terrible que cela » me dis-je. Quand j’entends « train station » je me dis que je dois être
dans le centre et descends. Bon alors là un conseil aux voyageurs qui viennent
en Inde pour la première fois et arrivent de l’aéroport en bus, descendez ou
vous voulez mais pas à la gare de New Delhi. C’est ici qu’arrive, alors, ce à
quoi je m’attendais à ma sortie de l’aéroport. Tout le monde parait gentil et
ca va de comment tu vas mon ami » « je peux t’aider »
« Qu’est ce que tu cherches ? » « Tu viens d’arriver ?
Tu cherches un hôtel ? L’office du tourisme ? » « Suis moi
c’est par là » je refuse tout, ne sachant pas moi-même ou je vais. En
chemin pour nul part loin de cette cohue, un « ami » (oui beaucoup
d’indien aborde le touriste par un « my friend » des plus suspicieux)
me dit « tu es suivis, je suis étudiant
tu peux me faire confiance, ces gens veulent ton argent» C’est bien ce qu’il
faut me dire pour je me méfie encore plus du prétendu étudient. Tous les moyens
sont bon pour s’attirer la confiance du client alors le coup de « je suis
un étudiant » n’est pas trop mal pour cela. Je décide de chercher l’office
du tourisme pour y récupérer un plan, bien entendu je suis accompagné par
plusieurs types qui veulent m’indiquer la bonne route, aucun n’est digne de
confiance, je rentre dans les boutiques pour y demander ma route, c’est plus
sûr, quand je ressorts mes ‘bons samaritains’
m’emboitent le pas et continuent à m’indiquer la route d’une quelconque agence
ou ils ont une commission. L’odeur d’urine à certain coin de rue, les détritus, les mendiants,
difformes, aveugles ou enfants, le bruit de la circulation, et tous mes ‘amis’
qui me suivent rendent ma premier journée en Inde une expérience inoubliable. Et
je ne parle pas de cet homme qui reste l’image la plus terrible qu’il m’ait été
donné de voir, je croise peu après ma descente du bus allongé, nu, dans la
poussière, la peau sur les os, attendant que la mort vienne le libérer de cette
vie de souffrance. Toutes ces images me remuent, cela remet en place, on se
sent tout de suite différent quand on touche quelques instants cette misère
intense. Comment ce plaindre après ca ? Comment geindre d’un bobo ou d’une
envie inassouvie ? Et pourtant le monde est comme cela, la douleur, la
maladie et la mort ne sont qu’une part de ce que j’ai voulu ne pas voir jusqu'à
présent, la souffrance des informations télévisées est loin et elle ne dure que
les quelques secondes de diffusion des
images, mais confronté directement à l’expérience du dénuement le plus totale
que certain vivent, alors j’ai ouvert les yeux sur l’infime que je suis. La
mort ici n’est pas quelque chose que l’on cache derrière des murs de cimetière
toujours plus haut pour éviter de la voir ou même ne serai-ce que d’évoquer sa présence,
mais ici elle fait partie du cycle de la vie, on vie avec, on la côtoie tout
les jours. Et l’on ce bat pour quelques misérables roupies qui permettront à
peine de quoi manger, plus de 20 millions d’indiens vivent sous le seuil de pauvreté.
Mais qu’est ce que la pauvreté dans un pays ou l’on peu manger les 3 repas de
la journée pour à peine plus d’un euro ? Autant dire qu’il n’est pas une ruine d’offrir un repas aux mendiants.
Il n’est bien entendu pas possible d’offrir à tous mais quand je constate que
le malheureux n’est pas bien gras, je me vois difficilement ne pas voir la misère
et ne pas leur payer un repas. Qu’il est aisé de faire le bien autour de soit quand la misère est aussi
grande et intense. Me revient en mémoire une histoire lue dans un magazine au
sujet de mère Thereza qui faisait régulièrement des appels par l’intermédiaire
du commandant de bord dans les avions qui la déposaient à Calcutta. Les
voyageurs pouvaient entendre une annonce du type : « Mesdames et
messieurs, nous avons le plaisir d’avoir
Mère Thereza à notre bord. Elle voudrait collecter les plateaux repas des
personnes ne désirant pas le consommer pour en faire bénéficier ses enfants des
rues. » Seules les vaches semblent ne pas être touchées par cette misère, elles
se nourrissent aux poubelles ou au sol, du riz qu’y déposent les restaurants,
je les observe le pas tranquille insensibles au tumulte qui les entours, avançant
nonchalamment en réponse aux klaxons des rickshaws et voitures voulant passer.
J’en croise certaines, touchées par la vieillesse qui, couchées sur un
trottoir, la cage thoracique trop visible pour dire ‘j’ai bien mangé’ attendent
une fin sans heurt comme le fut probablement leurs existences de ruminant végétarien. C’est un plaisir de pouvoir, enfin, aller dans n’importe quel restaurant
et ne pas avoir à me justifier, voir à ressortir car on ne comprend ce qu’est végétarien,
comme cela m’est arrivé à de nombreuses reprises lors de mon voyage. Un soir alors que je mange dans le misérable bouge habituel, je suis émerveillé
de voir un écureuil monter sur mes genoux, comme c’est fabuleux de voir ces
petites bêtes même en plein Delhi. L’espace d’une seconde il me regarde je réalise
alors que c’est un rat, il finira sa course derrière mon sac. Je n’ai jamais
été fort pour reconnaître les animaux. Je crois que je vais continuer à faire
des dents, c’est ce que je fais de mieux jusqu’ici. « Pour lutter contre les risques d’incendies, il est interdit de
fumer dans les lits » cette affiche me surprend quelque peu alors que je
suis dans la maternité d’un hôpital de Delhi à la recherche du département
dentaire. Je n’ose conclure qu’il est autorisé à fumer hors de son lit.
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