A Van un enfant de rue qui fait la manche au café où l’on prend le petit
déjeuner avec Sermet mon hôte et des amis, lui demande : «C’est encore un
touriste lui ?».
Je crois que c’est le moment pour moi de partir, c’est le signal qui m’avertit
que je suisresté un peu trop longtemps.
Je quitte Van pour l’Iran avec comme itinéraire, le chemin le plus court
qui passe par Kapikeuil la dernière ville avant l’Iran. Un ami de Sermet qui
travaille pour l’armée me dit que la frontière est ouverte à cet endroit.
Pour la majorité, ce sont des routiers qui me prennent. Quelques voitures
s’arrêtent où parfois on me demande de payer, le prix étant exorbitant je remercie
le conducteur et descends de voiture.
Plus j’avance et moins il y a de circulation. Je marche donc, dans un
paysage de champs jaunes et de montagnes
dont les moutons tachètent les sommets de points blancs. Je suis réduit à faire
du stop aux tracteurs faute d’autre chose de disponible.
Je passe devant la gare de Kapikeuil, la frontière n’est plus qu’a 2 kilomètres,
quand un véhicule blindé de l’armée qui patrouille fait demi-tour en me voyant.
Ils sont 6 entassés dans l’étroit compartiment sans fenêtres. « Monsieur
vous ne pouvez pas rester ici, c’est une zone militaire interdite au
public »
« ??? » Mon info n’était pas très très fraiche.
Retour a la gare que je viens de passer pour y prendre un train,
destination Tabriz.
6 heures de trajet.
Le numéro des compartiments me permet d’apprendre les chiffres en Farsi,
la langue Persane dont l’alphabet est dérivé de l’arabe.
Hossein qui rentre dans mon compartiment m’invitera chez lui, après
quelques instants de discussion.
Que ce soit les repas où les nuits, cela ce déroule au niveau du sol,
couvert de tapis Persans. Je découvre les premiers interdits du régime Islamique :
le satellite n’est pas autorisé bien que la majorité des maisons dans
lesquelles j’aurai l’occasion de rentrer en soient équipées. La parabole au
fond du jardin ou sous un drap dans la cour.
Vendredi 8 juin, le jour de mon
arrivé, est le dimanche local. On part, près de Sufian dans un parc verdoyant à
30 kilomètres au nord-ouest de Tabriz, avec Hossein au pique-nique hebdomadaire
qui réunit la famille. Les regards sont très étonnés de ma présence parmi eux.
Il doit être rare de pouvoir recevoir des touristes de cette façon. Les
touristes ne sont en général pas disponibles et n’ont pas suffisamment de temps
pour se poser de cette façon. Voila que m’apparaît dans cette instant la raison
même qui me fait voyager sans guide touristique et avec le minimum de préparation.
Me rendre disponible à ces instants uniques.
Le voile est obligatoire, c’est une autre obligation du régime. Les
femmes voilées, sont de différents types. Tchador qui est le voile total, noir réglementaire,
cachant les cheveux ou alors simple voile parfois coloré porté le plus en arrière
possible. Pour ces dernières, maquillage lunettes modes et jean, bien que la règle
soit de dissimuler le corps. L’attention ce concentre alors sur les visages, la
partie visible de l’iceberg, leurs formes, et les yeux qui selon la formule de Shervin
un physicien rencontré lors d’un congrès dentaire « sont dignes représentant
du zigma,qui est le total en physique,
caché par ces artifices religieux »
Maredin, un élève qui étudie la prothèse dentaire me lira quelques
lignes du livre sur la vie du Prophète Mohammed qu’il révise pour son examen d’éthique
religieuse du lendemain ou il est question du port du voile.
Sur certaine devantures de magasins à Téhéran on peut voir des affiches
demandant à ces dames de porter le voile noir réglementaire.
L’alcool aussi est proscrit bien que l’on m’en proposera à plusieurs
reprises. Les Iraniens s’en procurent sur le marché noir provenant des pays
limitrophes. On trouve dans toutes les boutiques de la Delster, une bière sans
alcool qui la remplace.
Un jour alors que je me rends à l’université, la sécurité m’arrache mon
appareil photo, me prend par le bras et m’emmène dans leur bureau. Ils ne parlent
pas anglais, ca ne va pas aider. Je leur montre le numéro de téléphone du chef de
la section dentaire que je suis venu voir, en leur demandant de l’appeler, mais
ils refusent. Appellent plusieurs numéros, contrôlent mon passeport et après
une demie heure d’un interrogatoire de sourd faute de langues communes, ils
s’excusent et me laissent partir. La mosquée que j’ai voulu prendre en photo
doit cacher quelque chose de grande valeur ou alors j’ai été pris une fois plus
pour un agent.
Je quitte Hossein et sa famille et prend la direction de l’Arménie. Je
passe par Jolfa et visite une église Arménienne après ma première nuit sous la
pluie depuis mon départ.
Arrivé à la frontière, je me vois obligé de rebrousser chemin faute
d’avoir les 30 dollars nécessaires pour rentrer en Arménie. Retour en Iran et
on me tamponne ma deuxième entrée ce qui ne me permet plus d’y retourner s’y
j’en sors une fois de plus, je décide de remettre l’Arménie à mon retour
d’Asie. N‘ayant aucun moyen de retirer de l’argent, carte de créditni traveller’s cheques ne sont acceptés du
fait de l’embargo economique Américain sur l’Iran.
Les 10 euros que j’ai en poche auraient pu être un souci mais c’était
sans compter sur l’hospitalité des Iraniens. A Téhéran alors que je suis dans
une boutique informatique demandant où je peux trouver une connexion internet,
ils me proposent d’utiliser la leur. Ils me posent des questions sur ce que je
fais, je leur explique mon projet et ma situation. Ils me prêteront 100 euros
sans accepter quoi que ce soit en garanti.
Je reste 19 jours dans la capitale.
Si en Turquie, ce fut Atatürk que l’on voyait partout, ici ce sont les leaders
spirituels. Rhomeini qui renversa le régime royal des Pahlavi en 1979 lors de la
révolution Islamique puis Rhamenei son successeur depuis 1989. Selon les
personnes que je rencontre, alternativement on me félicitera ou me reprochera
du fait que la France ait hébergé Rhomeini, expulsé alors d’Irak où il avait
trouvé refuge.
Les premiers jours, je dors dans différents parcs jusqu'à ce qu’Amir
Gharemani me propose de rester dans son labo. Le 2ème soir dans un des parcs, à
2 heures du matin, un type me réclamera « Dollars, dollars » ce n’est
vraiment pas de chance, il tombe au moment ou je n’ai pas un centime. Ca doit
lui gratter la gorge car il n'arrête pas de se passer le doigt dessus de gauche
a droite. Puis il met sa main dans la poche arrière de son pantalon et l'amènne en un éclair sur
mon cou. C'est bien ma veine, je suis tombé sur le seul agresseur qui a oublié son
couteau à la maison (même me faire agresser ch'peux
pas l'faire correctement !) Euh, si tu veux me tranche la gorge avec ton ongle
cela risque de prendre du temps (ca, je ne lui dit pas il risquerait de ce
vexer, ils sont sensible les agresseurs de nos jours, il faut les mènager, cela ne doit pas être facile tous les
jours) Le t-shirt que je lui offre ne suffira pas, il me prend mon appareil
photo.Le t-shirt que je lui offre ne suffira pas, il me prend mon appareil
photo. Au bout du compte je lui arrache l’appareil des mains qui tombe au sol. Le
malheureux décampera alors que j’appelais une personne non loin de-là. Cela
m’apprendra à changer mes habitudes, je n’ai jamais dormi dans les endroits
découverts d’où je suis repérable.
Amir est branché sur la chaine « Persian Music Channel » qui
diffuse depuis les Etats-Unis par le satellite des clips et musiques censurés
par le régime Islamique. La censure est bien présente, tant à la télévision que
dans les journaux ou au cinéma. Il n’y a aucune information contre le
gouvernement dans les 3 seuls journaux que je peux lire (Téhéran Time, Iran
Daily et Iran News) tout est fait pour mettre en valeur la société Iranienne et
les décisions de l’état.
Il y a des files d’attentes
interminables aux stations-services depuis mon arrivée suite a l’annonce d’une
augmentation du prix du carburant ainsi que la mise en place d’un système de
rationnement par le gouvernement. Le pétrole étant ici moins cher que l’eau,
moins de 10 centimes d’euro le litre, la consommation était devenu excessive
augmentant d’autant la pollution selon le quotidien Iran Daily. Mais une des
raisons cachée serai que le gouvernement ce prépare à une éventuelle attaque Américaine
qui semble tout de même peu probable.
On peut observer ça et là, sur les murs de la capitale et d’autres
villes, des affiches de martyrs de la guerre Iran/Irak qui durera 8 années
faisant ½ million de victimes coté Iranien.
Je quitte Téhéran en choisissant de contourner le Pakistan dont
l’ambassade Française ne délivre pas l’autorisation demandé par celle du
Pakistan. A moins de prendre un billet d’avion au dessus du Baloutchistan, région
frontalière avec l’Iran mais dangereuse car c’est la région par laquelle
transite la drogue que produisent le Pakistan et l’Afghanistan. Voulant éviter
de prendre l’avion, 2 options se présentent à moi : la voie nord qui me
fait aussi contourner l’Afghanistan en passant par le Turkménistan, l’Ouzbékistan,
le Borystan, le Tadjikistan, la Chine pour enfin atteindre l’Inde ou la voie du
sud qui me fait aller jusqu'à la côte pour rejoindre les Emirats-Arabes-Unis et
prendre un bateau pour l’Inde. Je choisis la voie sud et reprend la route mon
visa Indien en poche.
130 kilomètres plus bas à Qom je rencontre Mohammed qui fait la
traduction du conducteur qui vient de me déposer et réclame une somme, hors du
commun des autostoppeurs. Il m’invite dans sa famille et me fait visiter la mosquée
sainte, ou repose les reliques de Fatima la soeur du huitième Imam apres
Mohammed, devenu lieu de pèlerinage. Qom, ville religieuse, est également considéré
comme le lieu de départ de la révolution de 1979 ou les premières émeutes
contre la dynastie Pahlavi, alors en place, ont éclaté.
Dans la mosquée révérée, les fidèles déambulent jusqu’au centre ou ce
trouve la sainte Fatima, pendant que d’autres tournés vers la Mecque posent
leur front sur une plaquette de terre provenant de la ville sainte. Je déambule
moi-même dans le même rythme que la foule,observant l’éclat de millier de miroirs qui couvrent l’intérieur de la mosquée
quand je sens mon pied taper quelque chose ??? Merde j’ai shooté dans la
terre sainte ! Je m’excuse auprès du front auquel j’ai sapé la terre sacrée,
contrit de honte. Je ne pourrai pas dire que je n’ai jamais mis le pied en
Arabie Saoudite.
Esfahan suit Qom où je suis resté 3 jours. Je me retrouve sur la place
de l’Imam anciennement place du roi, question d’adaptation au régime en place,
aux dimensions impressionnantes d’un terrain de polo dont il subsiste encore
les poteaux en pierre. C’est le Shah Abbas 1er de la dynastie
Safavide qui fit bâtir ce lieu magnifique qui reste la plus belle chose que
j’ai pu voir en Iran. Je me demande où ce trouve la réele attraction du lieu,
ce touriste ou nez rouge brulé par le soleil ou les monuments de la
place ? 3 groupes d’Iraniens voudront être pris en photo avec moi. Ils se succèdent
et je me plie à l’exercice très volontiers. Quand je vous disais que c’était
des gens accueillant je ne mentais pas. Il y a pourtant d’autres touristes, la
place est un des lieus les plus visité d’Iran. Je pense que cela tient au fait
que je sois seul et non en groupe, on m’aborde alors plus facilement.
Ensuite deux autres m’adressent la parole, après avoir parlé de ce que
je fais, je leur demande :
« Et vous vous faites quoi ?
« On est des assassins. » Me répond l’un d’eux au français
impeccable....